Réunions en entreprise : la gestion du temps à l’aune de l’orchestre

Et si l’entreprise appliquait les règles de l’orchestre, comment les choses se passeraient-elles ? Ce article reprend un billet écrit pour Linkedin.

Imaginez. Vous êtes invité(e) à participer à une réunion rassemblant les collaborateurs les plus importants de votre entreprise, dès dix heures, et ce, jusqu’à midi trente. Vous avez préparé votre intervention, qui n’est pas la plus importante, certes, mais qui nécessite un travail conséquent de votre côté. Vous êtes un peu en avance, prêt(e), comme tout le monde d’ailleurs, autour de la table, avant même que la réunion ne commence.

Voici le chef. Pas le vôtre, mais le boss, du boss, du boss de votre patron. Une sommité unanimement reconnue dans la profession, un ponte, une référence, presque Dieu lui-même, qui vous impressionne un peu forcément.

La réunion commence et c’est Dieu qui l’anime. Il introduit, distribue la parole, engage les conversations, motive, reprend, encourage, rabroue parfois avec beaucoup d’assurance. C’est votre tour et, comme vous vous êtes beaucoup préparé(e),votre intervention se passe bien. Vous avez même droit aux félicitations. Bravo !

La réunion se poursuit. Il y a beaucoup de sujets. Dieu les passe en revue un à un, pointe les difficultés, en anticipe un certain nombre, les résout tous. Quel personnage brillant, fascinant !

Mais voici que la grosse horloge accrochée dans la salle indique midi trente, pile. Alors que Dieu est toujours en train de parler – il détaille sa vision stratégique d’un investissement sur le moyen terme -, vous refermez votre ordinateur, sans chercher à être discrêt(e), rassemblez vos stylos, cahier, téléphones et vous levez sans aucune gêne. D’ailleurs, tous vos collègues vous imitent.

Dieu est obligé de s’interrompre. Manifestement, cela ne lui plait pas, il n’a même pas terminé sa phrase, mais l’un des membres de l’équipe désigne l’horloge sans rien dire. Le visage de Dieu exprime de la colère froide, de l’agacement ou de la frustration, qu’importe, tout le monde est déjà parti.

Surréaliste?

Pas si vous étiez membre d’un orchestre. Quel que soit le pays; quel que soit le chef; quel que soit l’orchestre : une répétition ne saurait durer une seule minute de plus que ce qui a été prévu. Et je ne parle pas du directeur du conservatoire de votre enfant qui a monté une petite fanfare. Les chefs évoqués ici ont la notoriété et le salaire des plus grands patrons médiatiques.

Comment est-ce possible ?

Tout d’abord, parce que la profession considère, à juste titre, que les musiciens de l’orchestre se sont préparés, individuellement, à la répétition et qu’ils arrivent donc prêts, à l’heure, et que c’est au chef d’orchestre d’être le maître du temps, comme il l’est de la symphonie ou de l’opéra qu’il dirige.

Le temps, tempo, rythme, répétition est une obsession des musiciens. Il est donc normal que cette obsession se soit déclinée à tous les niveaux du rituel.

Ensuite, parce que tous les orchestres du monde sont syndiqués et que l’une des prérogatives des représentants est, justement, le respect du temps.

Qu’est-ce que cela donnerait, transposé à l’entreprise ?

  • Une efficacité redoutable des réunions desquelles vous ressortiriez avec le sentiment d’avoir résolu bon nombre de problèmes, avancé et même, éprouvé du plaisir à avoir accompli quelque chose tous ensemble.
  • Un temps économisé qui, multiplié par le nombre de réunions et d’intervenants représenterait probablement, sur une année, plusieurs dizaines de milliers d’euros (cette somme justement qui manque pour embaucher un nouveau collaborateur).
  • Un rôle très concret et quotidien des représentants syndicaux, maîtres du temps, dont une des missions viserait l’efficacité.

Formidable, non ?

Hélas, cela signifierait également, pour tout le monde, la nécessité d’arriver à la réunion parfaitement préparé(e) et surtout, surtout… à l’heure. 

Et ça, malheureusement, c’est impossible, n’est-ce pas ?