Cerveau et dépendances : la cuisine des Éditeurs

Réservé à un lecteur motivé, ce livre détaille les formidables ressources dont dispose le cerveau pour s’adapter aux nouvelles situations, qu’elles soient radicales comme un accident, ou de nature plus abstraite, un traumatisme psychologique par exemple.

De nombreux sujets passionnants sont évoqués, comme l’apprentissage, la mémoire ou la perception de la musique. Mais c’est le chapitre consacré aux dépendances et aux effets de la pornographie qui m’a le plus captivé en ce qu’il fait le lien avec le milieu dans lequel je travaille : celui du livre.

Sur les réseaux sociaux des Maisons d’Édition, la communauté des fans hardcores exprime souvent ressentir une véritable addiction. Achats compulsifs, impulsifs, à la vue d’un simple titre ou d’une couverture, les lecteurs accumulent leurs achats sous la forme de Piles à Lire (PAL), matérialisation ambigüe du désir, source de plaisir et de douleur qui ne cesse jamais de grandir…

Le fait alors pour nous, marketeurs du livre, de présenter sans cesse de nouvelles couvertures — jusqu’à une centaine par mois pour le poche —,« suractive le système d’appétition (= le plaisir que l’on éprouve par anticipation en imaginant ce que l’on désire) et développe de nouvelles aires cérébrales fondées sur les photos ». La vue d’une bibliothèque surchargée, de boards Pinterest, d’albums Facebook, de flux d’images en continu sur Tweeter déclenche des expressions de désir explicite toujours renouvelées. Les anglophones parlent à juste titre de « book porn ».

C’est le début de la dépendance sur le principe de « quand une aire cérébrale se développe, nous désirons ardemment la maintenir en activité. » En proposant quotidiennement « une quantité inépuisable d’objets de désir », les éditeurs suractivent chez le lecteur « le système d’appétition » en provoquant dans son cerveau des « changements neuroplastiques, proche de l’intoxication, quand l’attention est portée à son maximum et que l’on assiste à un recablage massif des centres cérébraux associés au plaisir ».

La comparaison s’arrête là. Pas de violence, d’agressivité, de solitude. Nos fans hardcores représentent la part de la communauté la plus active, drôle, engagée, généreuse, toujours prête à échanger.

C’est aussi l’intérêt du livre : nous montrer comment l’exploitation d’une même mécanique peut mener à des comportements radicalement différents grâce à la plasticité du cerveau.

« Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau » de Norman Doidge